Musicien, graphiste et illustrateur, Raoul Sinier est un artiste à l’univers fascinant. Il jongle avec talent entre samples distordus, coups de crayon torturés et mélodies organiques. Une œuvre multiple et complexe qui pousse à l’admiration. Exploration.

Présentations et parcours ? Je m'appelle Raoul, j'ai 32 ans. Je suis illustrateur et musicien. Après quelques écoles de dessins, j'ai travaillé comme graphiste dans pas mal de boites de comm et de design. Depuis 5 ans, je suis graphiste indépendant et développe en parallèle mes activités artistiques.

On commence par Ra l’illustrateur. Principales influences ? J'ai commencé par tout ce qui est BD et comix américain. Plus particulièrement toute cette école qui a introduit la peinture et l'illustration dans ce monde là. Petit à petit, je me suis complètement désintéressé de la BD en général, trop souvent ultra saturée de lieux communs (dans le fond comme dans la forme). J'ai arrêté de dessiner pendant quelques années, je ne sais pas trop pourquoi. Tout en me nourrissant de plein de choses diverses, peinture, photo, cinema, n'importe quoi. Tout cela a mûri de son côté et quand je me suis remis à dessiner, ça a donné (après quelques années de ré-apprentissage, quand même) un résultat hybride, à mi-chemin entre plein de choses.

Que veux-tu exprimer à travers ton œuvre graphique ? Je ne cherche jamais à exprimer un message codé ou quelque chose dans ce genre là, la plupart du temps mes images sont à prendre telles quelles. Chacun interprète comme il le veut de toutes façons, comme dans l'art en général.

Quelles sont tes sources d’inspiration ? Vraiment tout et n'importe quoi, autant venant d'autres domaines artistiques que de la télé, de discussions, etc. Je ne peux pas cibler ça, je me nourri de tout ce que je vois.

Tu peinds sur toile ? Pas du tout, tout ce que je fais pour l'instant est digital.

Dans tes œuvres on découvre un univers torturé, parfois violent, mais toujours fascinant. Pourquoi une telle complexité ? Ah je prends ça comme un super compliment, mais c'est pas un choix. J'essaie de faire des choses esthétiques, étonnantes, et drôles aussi (c'est un certain type d'humour, ok). Et voilà le résultat. Mais c'est vraiment une question d'esthétique avant tout. C'est pas du tout un message ou quelque chose comme ça, je n'intellectualise absolument pas mon travail.



Pour toi, l’animation est une suite logique à ton œuvre picturale ? Comment as-tu resenti le besoin d’animer ta peinture ? Non pas spécialement. J'avais fait quelques petites animations juste pour essayer, mais c'était pas des trucs très aboutis. J'ai commencé à faire des choses plus sérieuses grâce à dDamage. J'avais fait les artworks de leur album "Radioape" et on était tellement content qu'ils m'ont demandés de réaliser leur clip, au début ça me paraissait infaisable mais je l'ai fait, plus dans une optique d'illustration/peinture animée. Là aussi on était super content du résultat. Depuis j'ai réalisé mon propre clip et un deuxième pour dDamage.

dDamage justement ! Comment s’est faite la connection avec eux ? C'est Fred qui m'a contacté après avoir vu la pochette que j'avais fait pour "Butter for the fat" de Tacteel. J'ai tout de suite adhéré à leur musique et à leur vision des choses.

Comment procèdes-tu pour la réalisation d’un clip ? Avec dDamage, c'est eux qui écrivent le script et après en avoir discuté ensemble, ils me laissent carte blanche sur la réalisation, les personnages étant déjà définis à travers les artworks des pochettes et autres images liées à "Radioape". Pour le mien, j'ai tout fait tout seul. J'avais une idée de départ, un début et une fin, et une vague idée des plans et scènes. Travailler entièrement tout seul a ses avantages et ses inconvénients mais ça donne au moins une liberté totale. Inversement, pour le dernier clip des dDamage, on a travaillé avec des images de concerts, j'ai donc dû travailler avec d'autres personnes, c'est une façon différente de bosser mais le résultat est tout aussi intéressant.

Tu agis entre musique et illustration. Ou est la jonction ? La jonction c'est moi. Ma vision des choses, un "esprit" global, même si ça reste assez ouvert.



La musique justement. Quelles sont les références de Ra le musicien ? En ce moment c'est vraiment plutôt la musique électronique, Squarepusher, Venetian Snares… ce genre de choses. Du hiphop un peu marginal comme ce que fait Adlib ou El-p sur "little johnny…", Cannibal Ox, les classiques du Wu-Tang (les vieux), du funk 70, du Radiohead… c'est assez vaste là aussi.

Tu joues de quels instruments ? Je joue de la guitare, de la basse et des claviers… mais très mal de chaque. Je sais juste le minimum pour pouvoir jouer mes morceaux, c'est plus du système D en fait. Je serais incapable de taper une session avec d'autres musiciens. Sur mes morceaux il m'arrive de me sampler et de tout réarranger dans le séquenceur, ou de tout défoncer avec divers plugins et effets.

Tes premières sensations sonores ? Quand j'étais petit, c'était plutôt du rock, après je suis passé par plein de choses assez atroces comme le new jack (à l'époque) pour tomber sur le choc : Public Enemy avec "welcome to the terrordome". Puis le rap "cool", les natives tongues et surtout les a tribe called quest qui m'ont, par ricochet, fait découvrir le funk des années 70.

Tu viens de sortir ton premier album « Raoul loves you » sur le label indé Coredump Records. Comment c’est passé le deal avec eux ? Je leur ai envoyé une demo. Ils ont tout de suite été intéressés et 4 mois plus tard je sortais mon premier album. En ce qui me concerne, je pouvais pas rêver mieux que ce label.

Comment parlerais-tu de ton album à quelqu’un qui ne l’a pas écouté ? Apparemment décrire ma musique est assez difficile. Je ne suis pas clairement dans un genre musical. Je suis assez fier de ça. C'est de la musique électronique avec un peu de hiphop dedans, presque uniquement instrumentale, avec beaucoup d'"évènements" et de cassures. Ce disque est assez varié dans la forme, beaucoup de morceaux violents, d'autres plus cools, mais la forme ne prend jamais le pas sur le fond. Je crois qu'on peut dire que, comme mes images, ma musique est sombre et torturée, mais pas intello.

Ce qui m’a le plus frappé en écoutant ta gallette, c’est la puissance hypnotique de tes mélodies. Tu peux m’en dire plus ? Ah, j'ai jamais vu ça comme ça, c'est marrant. Je porte beaucoup d'attention aux mélodies, il faut qu'il se passe des choses, j'aime rarement les musiques trop linéaires.



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